Historique des vins Romains
Déjà à la fin de la république romaine (-27) apparaissent les premiers grands crus de l’Europe occidentale ainsi que leurs méthodes de vinifications et les techniques de dégustation précises (couleur, caractère et temps de vieillissement).
Les romains ont recueilli cette science à la fois de Carthage (près de Tunis), en Grêce et en Orient.
Pour Columelle comme pour Pline l’ancien (Ier siècle, naturaliste et écrivain) les vins peuvent se conserver sans rien leur ajouter, c’était certainement une production vinaigrière !!!!
Les vins romains étaient très différents des vins actuels, élevés en jarres ou des dolias mi-enterrées, ils étaient presque toujours aromatisés. Etaient ajoutés différents ingrédients : du plâtre pour tempérer l’âpreté du vin, de l’argile pour combattre la mollesse, de la chaux pour désacidifier, de la résine antiseptique pour conserver mais donnait un goût de thérébentine, de la poix pour enduire les amphores et dolias, du safran pour colorer, du petit lait pour décolorer, des coings, des rhizomes d’iris, de l’eau de mer, de la colle, du sang de porc, du DEFRUTUM (moût réduit à 1/3) etc.. (ils sont fous ces romains).
Les vins romains étaient donc très différents les uns des autres et bien sûr de nos vins actuels.
Ils considéraient souvent le vin comme un remède, une panacée et en buvaient de grande quantité. Les grands crus étaient réservés à l’élite politique et militaire, les vins ordinaires servis dans les tavernes et les piquettes sévèrement vinaigrées étaient bues par les soldats et les esclaves.
Quelques grands crus classés de l’Italie Romaine :
1) Ceux situés entre Rome et Naples (près de Pompéi) les plus nombreux.
Après le vin se Sétia, le Falerne le plus prestigieux surtout le Falerne du canton appelé Faustien. Il y en avait 2 sortes sec et doux pour le rendre plus fluide il le délayait à l’eau chaude.
Vin d’Albe, de Caecube , Stata, Sorrente, Massique, Cales, Signe (utile pour les entrailles car très astringent classé comme remède).
2) Ceux de Sicile
Vin de Messine (le Mamertin), Taormine
Asclepiade médecin grec (- 124 –40) disait : « C’est à peine si le pouvoir des Dieux peut égaler le bénéfice que le vin apporte »
LA VINIFICATION (SELON COLUMELLE) :
Les cépages :
Nous ne savons pas de quels cépages antiques descendent nos cépages actuels
La Rèze cépage du Valais est le résultat de l’évolution phonétique de la « Raetica » d’où l’on tirait un bon vin du temps de Virgile autour de Vérone, mais l’identité du nom ne prouve pas l’identité botanique. Seules les analyses ADN établiront la descendance.
Principaux ingrédients de vinification :
La chaptalisation au DEFRUTUM :
Columelle préconisait l’ajout de DEFRUTUM (réduction de moût par ébullition qui concentre le sucre mais aussi l’acidité, avec addition pendant la cuisson de coings, de rhizome d’iris, de fenugrec et d’herbe à chameau ou jonc odorant.
L’ajonction de DEFRUTUM augmente le degré d’alcool et le taux d’acidité fixe ce qui diffère de la chaptalisation au sucre qui augmente seulement l’alcool.
Le salage :
Il se pratiquait soit au sel torréfié soit à l’eau de mer concentrée, le sel agit comme un antiseptique et exhauseur de goût, il permet au vin de moins s’aigrir.
Le plâtrage :
C’est un sulfate de chaux, gypse chauffé modérément et broyé (le plâtrage fût interdit en 1907).
Le plâtre se combine avec le bicarbonate de potassium du vin et produit du sulfate de potassium, du tartrate de chaux insoluble se dépose et facilite la clarification.
L’acide tartrique augmente l’acidité du vin donc l’effet conservateur.
Malgré tout cela beaucoup de vins se gâtaient ( on nommait ce genre de vin la Vappa ) et se vendaient bon marché ou finissait en vinaigre.
Les aromates :
Le Fenugrec c’est une légumineuse au parfum d’épice orientale prenant et tenace qui entre dans la composition des currys. Le Fenugrec contient une molécule appelée SOTOLON par les japonais qui veut dire « Enol de la mélasse » c’est une lactone que l’on trouve aussi dans le vieux saké et le tabac séché. L’odorat humain la détecte à un seuil très bas, à faible dose on obtient un arôme de noix, à plus forte dose des arômes de curry.
C’est avec l’Ethanal un des marqueurs du vin jaune.
LA DEGUSTATION ROMAINE :
Les vins sont presque toujours aromatisés non seulement pour les conserver et leur donner des vertus médicinales mais aussi pour répondre au goût du consommateur (et donc augmenter la vente).
Les Romains aimaient les vins liquoreux jeunes mais avec l’apparition du bouchon de porrizolane (vers –200) pour boucher les amphores de vin liquoreux, celui ci peut vieillir grâce à une oxydation lente, cette roche volcanique dure étant poreuse, il est recommandé de ne pas boire le vin de Sorrente (grand cru) avant 25 ans d’âge, le vin de Falerne (grand cru) atteignait sa maturité entre 15 et 20 ans d’âge.
On retrouvera de telle durée de conservation qu’au 18 ème siècle avec l’utilisation massive de la bouteille. Les vins les plus appréciés à l’époque étaient blancs, on buvait au GUSTATIO (apéritif) et entre les plats des vins des vins coupés d’eau chaude ou froide.
Quand à la cuisine APICIUS a laissé un recueil de plus de 500 recettes réservées à l’élite, la plèbe (classe populaire) se contentait de légumes et de féculents (comme aujourd’hui !!!!).
LE MAS DES TOURELLES à BEAUCAIRE
Insolite en goût et saveurs oubliées sur des vins provenant du Mas des Tourelles (Gard) vins recréés par un vigneron passionné Hervé Durand et André Tchernia chercheur au CNRS selon les recettes originales de l’époque ( –149 au Ier siècle de l’ère ordinaire).
C’est un mas du 17 ème siècle (près de la via domitia) il est situé sur une poterie romaine qui produisait des amphores aux 1er et 2 ème siècles servant à exporter les vins de la propriété dans tout l’empire romain.
C’est sur ce site qu’à lieu une expérience d’archéologie unique au monde : reproduire les vins romains le plus fidèlement possible.
La vigne est conduite en treilles, pergolas ou sur oliviers. Dans la CELLA VINARIA le raisin est foulé aux pieds dans le CALCATORIUM puis comprimé dans un pressoir impressionnant reconstitué d’après un texte dans le traité agricole de Marcus Porcius Cato, dit Caton l'Ancien (Cato Maior).
Le moût fermente dans 11 DOLIAS * de 400l enterrées au ¾ (évacuation des calories).
La première vinification a eu lieu en 1991, le pressoir construit en 1994.
* sorte de jarre en terre cuite contenant de 4 à 15 hl déjà en usage à l’époque d’Homère en Grêce, certaines pouvaient atteindre 3m de hauteur, elles ne pouvaient pas être faites au tour, elles coûtaient très cher
« Nuncest bibendum » ( maintenant il faut boire ) nous allons déguster
1. Turriculae élaboré fidèlement d’après Lucius Columelle :
vin dans lequel est ajouté du fenugrec (légumineuse du bassin méditerranéen qui donne une lactone Sotolon que l’on retrouve aussi dans le vin jaune), de l’eau de mer réduite, du défrutum.
Cépage Villard blanc
Belle robe étincelante d'un jaune vieil or aux reflets ambrés.
Au nez : des arômes de noix vertes, épices, curry, miel, noix fraîche.
Bouche : attaque franche, milieu de bouche fluide et acidulée, l’acide et bien enrobé par le moelleux. La noix domine, belle finesse, goût de vin nature du Jura.
Finale longue et salée. Vin passionnant et d’une telle complexité.
Servir à 18° avec des poissons gras, viandes blanches, fromage du Jura, gâteau aux amandes ou noix.
2.Mulsum d’après texte de Pline l’ancien :
vin rouge indissociable des fêtes romaines, mariage de vin, miel, plantes et épices qui se buvait à l’apéritif considéré comme remède miracle pour conserver sa jeunesse.
Cépage grenache
Robe rouge grenat, reflets noirs
Un nez miellé (5%) et beaucoup d’épices ou plantes : badiane, cannelle, girofle, arnica, réglisse, quinquina.
Bouche : attaque douce, surprenant par son goût épicé / sucré, milieu de bouche fluide et astringence, des tanins denses, fins et asséchants, en rétro le miel domine mais on note des arômes de cerises noires, de mûres et d’épices
Servir à 14° à l’apéritif, canard aux figues, roquefort, gâteau au chocolat
3. Carenum recette de Palladius :
c’est un vin doux obtenu en faisant fermenter des raisins très murs avec des plantes, des coings et defrutum (jus de raisin concentré) Cépage Villard blanc.
Robe de couleur jaune ambré, la surface est brillante.
Un nez de bonne intensité aux arômes de vieux cognac, pommes caramélisées, coing, raisins secs, tabac.
Attaque moelleuse, léger acidulé, beau volume en rétro de la pâte de coing et fruits confits
Servir à 14° à l’apéritif ou avec foie gras, roquefort, dessert.